21/06/2011

Mezzanine - 1998



On retrouve dès les deux premières mesures de Angel ces notes incisives et opaques agrémentées de bruitages discrets, confinées cette fois sous une glace monolithique. L'efficacité de l'assise rythmique est ensorcelante : ligne de basse monocorde sur des boucles vigoureuses toujours très lentes - labourage binaire en règle d'un terrain gelé. Pour se réchauffer, il faut écouter la voix pure de Liz Fraser (ex Cocteau Twins) sur Teardrop. Comme lors des précédents albums, Massive Attack sait choisir des voix singulières et les exploiter avec génie.

Au bout d'une minute, un phénomène étrange se produit : deux accords de guitare qui nous plongent dix ans en arrière. La réapparition de cet instrument que la musique électronique semblait avoir définitivement rangé dans les tiroirs de l'histoire du pop-rock est assez stupéfiante. Le groupe ose un retour sur les vestiges de la new (tendance cold)- wave des années 80 et sample sans vergogne l'intégralité d'un morceau de The Cure (10 :15 Saturday Night) sur Man Next Door.

Parmi les échantillons repiqués on trouve également des morceaux du Velvet Underground (Risingson) et d'Isaac Hayes (Exchange).
Avec la prépondérance dans certains titres de la six cordes distortionnée, Massive Attack frappe là où on ne s'y attendait pas, par derrière, presqu'en traître. Après avoir porté le flambeau de la musique électronique anglaise, le groupe phare des années 90 se replie sur une musique amère au rythme lourd et obsédant, se rapprochant d'avantage de Joy Division que de Portishead.

Mezzanine est donc un album radicalement différent des deux précédents, moins enlevé, moins " technologique " que Blue Lines et Protection. Le trio de base travaille désormais avec un groupe d'instrumentistes (guitare, basse, batterie) pour se concentrer uniquement sur les samples, les programmations et les claviers.

Paradoxalement, cette collaboration avec une formation assez classique permet l'exploration de nouvelles formes musicales. A l'image du scarabée de la pochette (qui n'est en fait qu'un cafard sophistiqué), Massive Attack se métamorphose en une machine effrayante et dévoile son côté obscur, à travers des compositions rigoureuses. Sur Man Next Door, la fragilité de la voix de Horace Andy offre un contrepoint saisissant à la violence zeppelinienne du rythme. Il y a aussi l'oxymorique Inertia Creeps, morceau qui évoque la stagnation sur fond de sonorités orientales tourbillonnantes.

Mezzanine est une œuvre baroque, contrastée, d'une gravité sans précédent ces dix dernières années. La plupart des titres résultent d'un équilibre précaire entre inertie et chaos, spleen et lyrisme. La contradiction semble être le moteur créatif d'une musique qui correspond parfaitement au slogan du label Melankolic : " glad to be sad ".

Heligoland - 2010

Sept longues années après la parution de son précédent album, 100th Window, Massive Attack effectue un retour gagnant avec Heligoland, un disque sombre, mystérieux et entêtant, magnifié par des invités triés sur le volet et inspirés… Le collectif de Bristol aujourd’hui réduit à Robert Del Naja alias 3D et Grant Marshall aka Daddy G a choisi de continuer à évoluer, mais sans changer la formule qui lui permet de rencontrer un succès ne se démentant pas. 

Toujours d’obédience électro trip hop planante (pas de révolution donc… ), les nouveaux morceaux estampillés Massive Attack cherchent néanmoins à explorer des territoires encore plus étranges et ténébreux, faisant la part belle à moult beats insidieux, synthés bizarres, basses bourdonnantes, pianos en apesanteur, cordes stridentes ou cotonneuses et voix tour à tour fantomatiques, angéliques ou franchement terrifiantes.

L’excellent Tunde Adebimpe de TV On The Radio, la troublante Martina Topley Bird, le fidèle et toujours aussi émoustillant Horace Andy, l’envoûtant Guy Garvey du groupe Elbow, la vaporeuse Hope Sandoval et le touche à tout de génie Damon Albarn interprètent magistralement les longues pièces évanescentes et brumeuses de Massive Attack, parfois en compagnie de Robert Del Naja et Grant Marshall, toujours impressionnants de classe quant à eux. 

En quelques très courtes secondes d’écoute passionnée, la magie opère grâce à la Dream Team travaillant de concert sur cet opus ; ce qui permet à l’auditeur de décoller très doucement sur les dernières trouvailles des inventeurs du son trip hop, ici truffé de stries électroniques et d’arrangements psychédéliques ou cinématiques. 

Les moments de bravoure de cet album étant légion, on ne citera que les très bons Paradise Circus, Splitting The Atom, Girl I Love You et Pray for Rain pour mettre en appétit les futures adeptes de ce très réussi Heligoland…

14/06/2011

Biographie complète !


De gauche à droite : Andrew Vowles (Mushroom), Grant Marshall (Daddy G) et Robert Del Naja (3D)

Bristol, fin des années 1980. Cameron McVey, mari et manager de la chanteuse Neneh Cherry, et aujourd'hui membre du groupe CirKus, rencontre trois jeunes DJ et producteurs issus d'un sound-system local : The Wild Bunch. Pressentant un succès discographique possible, il leur propose d'aller en studio pour composer un disque. 3D se souvient : « Cameron McVey a senti un potentiel en nous et il nous a proposé de travailler ça. Nous ne le voulions pas vraiment, nous n'étions pas au bon endroit pour ça et ce n'était vraiment qu'un essai, mais ça a fonctionné. » Cet essai fut baptisé Blue Lines et il posa ni plus ni moins que les bases du grand melting pot sonore des années 1990 et du trip hop en particulier.

Mais à peine le succès consommé que les contradictions les rattrapent. Après le succès de Blue Lines, le groupe décide de prendre son indépendance vis à vis de Cameron McVey, mais sans vraiment savoir dans quelle direction aller. Le départ de la chanteuse Shara Nelson n'arrange pas les choses. « Nous avons alors été obligé de tout reconstruire à nouveau, c'était comme un essai en perpétuelle évolution. Ça a vraiment été très stressant car nous n'étions pas une unité cohérente de personnes qui travaillent dans la même direction ou qui ont une vision commune. Nous n'étions pas un groupe. »

Appuyés par leur ami et producteur Nellee Hooper, confortés par des chanteurs de talent, les trois musiciens s'enferment en studio, redéfinissant à nouveau les contours de leur musique. En 1994, l'albumProtection voit le jour. Moins révolutionnaire mais d'un génie mélodique et sonore remarquable, il marque une nouvelle étape pour le groupe. Alors que beaucoup d'autres artistes se seraient installés dans ce style confortable et terriblement en phase avec leur temps, la remise en cause et le conflit deviennent presque le mot d'ordre au sein du groupe.

En 1997, le groupe participe à la bande originale du film Le Chacal en enregistrant "Superpredators (Metal Postcard)", un morceau contenant un sample de Siouxsie and the Banshees.1

En 1998, paraît Mezzanine, leur troisième album. Fruit de tensions incessantes au sein du trio, il surprend par sa noirceur et ses relents post-punk. Un nouveau chef-d'œuvre mais dont la gestation a encore une fois été pénible, aucun morceau n'ayant été vraiment composé à trois. Certains désaccords deviennent même très difficiles à gérer. « Je pense que Mezzanine a été fait avec l'envie de créer une musique plus live, avec plus de guitare et de batterie, explique 3D. Je souhaitais m'éloigner des éléments très soulful qui faisaient notre son, car je sentais que toutes les musiques que j'écoutais m'apportaient une certaine chaleur et sécurité. Je voulais faire quelque chose de plus froid car c'est comme cela que je me sentais. En fin de compte c'est ce qui a provoqué le clash entre Mushroom et moi, car nous étions en total désaccord sur ce point. » Malgré tout le groupe échappe de justesse à la séparation.

Après une tournée couronnée de succès, le trio réfléchit à son quatrième album. Lassé de ne pouvoir exprimer sa sensibilité musicale, plus proche des musiques noires, Mushroom quitte le groupe en 1999, laissant Daddy G et 3D seuls aux commandes. Les deux compères décident de reprendre le concept mis en œuvre lors de l'enregistrement de Mezzanine : « Nous avons essayé, enfin c'était probablement entièrement de ma faute, raconte 3D, nous avons essayé de prendre un grand nombre de petites boucles et d'idées qui étaient principalement basées sur un jam retro-psychédélique entre les musiciens de Lupine Howl (ex-Spiritualized). À partir d'environ vingt heures d'enregistrements, nous avons essayé d'en extraire des petits morceaux et de les disséquer pour en faire de la belle musique, mais ça a été un désastre complet. Nous perdions l'essence même de ces sons, leur sens. »

Construisant en vain jusqu'à quatre-vingt morceaux, les deux musiciens finissent par sentir qu'ils ne vont pas dans la bonne direction. « Nous étions en train de perdre tout intérêt dans ce que nous faisions, explique 3D, nous avions tous deux envie de vivre des choses différentes, en dehors du groupe. » Daddy G s'éloigne alors franchement de Massive Attack, préférant se consacrer entièrement à sa vie familiale et personnelle. Pour 3D, c'est presque un soulagement : « Honnêtement, Grant avait de bien meilleures choses à faire, commencer une nouvelle vie a vraiment été merveilleux pour lui. »

3D se retrouve alors seul en studio, juste épaulé par le producteur Neil Davidge, qui avait déjà œuvré sur Mezzanine. Mécontents des nouveaux morceaux, ils décident de tout recommencer à zéro. 3D : « Nous nous sommes mis au travail avec Neil, sans trop réfléchir... nous avons commencé à programmer des boites à rythme, à jouer du clavier, utilisant des tout petits extraits des jams, pour écrire de nouvelles chansons. C'est comme ça que l'album est né, très rapidement, entre janvier et avril 2002. » Pour ce disque, 3D a également décidé d'abandonner complètement les samples provenant d'autres disques. Lassé par les problèmes juridiques, il affirme aussi vouloir essayer de se séparer complètement d'une culture DJ dont les techniques ont été pillées à outrance. Certains fans trouvent The 100th Window moins bon que les précédents albums et d'autres reconnaissent en lui une succession logique et réussie.

En 2006, sort leur best-of Collected, et le groupe annonce la sortie d'un nouvel album pour avril 2007 qui sera finalement repoussé au printemps 2009. Il sortira finalement en février 2010. Composé de 10 titres, Heligoland marque le retour du musicien Grant Marshall (alias Daddy G) qui aurait rejoint Massive Attack en 2006.

Bienvenue !


Bienvenue à tous, comme dit ci-dessus dans la description, ce blog est consacré au groupe Massive Attack.
Je vous laisse découvrir sans plus attendre le reste du blog !